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Compositeur, technologie, performer…

Une réversibilité de fait.

rock-art2noise, le temps du peintre,

un fait DSP-musical en temps réel?

Sommaire 

Rock-Art2noise propose de révéler via DSP le phénomène sonore du Rock Art, de prolonger les traits, les signes, les dynamiques, le geste pictural de l’artiste peintre, d’organiser les traces sonores vers un espace musical en contrepoint de la surface picturale.

Abstract

Rock-Art2noise propose de révéler via DSP le phénomène sonore du Rock Art, de prolonger les traits, les signes, les dynamiques, le geste pictural de l’artiste peintre, d’organiser les traces sonores vers un espace musical en contrepoint de la surface picturale. Courant 2009,  je décide d’inclure le laptop à mon instrumentarium en privilégiant le logiciel Pure data pour la précision et l’aisance de l’interface dans un processus de traitement audio-numérique en temps réel. De l’oral à l’écrit, mes recherches musicales s’élaborent à partir des formes sonores du « vivant », les formes humaines du silence. Ce travail de composition, par nature éphémère, se précise avec Pure data par le développement d’une forme musicale conséquente d’un geste non instrumental articulé et de ses signaux acoustiques convertis et filtrés en temps réel. Rock-Art2noise signe le premier opus que je présente dans ce cadre précis. En terme de pratique musicale, un artiste peintre ne recèle pas les vertus d’un instrumentiste domptable, son geste est désordonné, chaotique, l’intention sur affirmée, une sorte de « fait musical » permanent. Aussi, le temps du peintre, du geste pictural, n’a que faire du temps musical, de ses échelles, de ses caractéristiques. Dans l’atelier du « peintre sonore », mon premier objectif fut d’écouter, d’identifier, de recenser une typologie des gestes du performer, et d’intégrer leurs répercutions dans la lutherie numérique, avant même d’argumenter un postulat formel avec ses structures inhérentes et d’oser l’œuvre, son éventuelle transcription, à peine esquissée actuellement. Rock-art2noise, Performer, Technologie, Composition, un cycle réversible en chantier.

Performer / Le temps du peintre

Préambule hors sujet nécéssaire

Le terme Rock Art qualifie les manifestations artistiques sur support rocheux. Avec Rock-Art2noise, nous interpellons à nouveau ce geste pictural préhistorique. Convoquer le Rock Art ne signifie pas reproduire sa théâtralité rupestre, même si évoquer le Rock Art nous questionne à nouveau face aux surfaces, face à notre mémoire profonde, face à notre époque.

Ainsi se dévoile très sommairement l’aspect sensible des recherches de Sitan Adèle K face à l’art pariétal. Nous aurions pu exposer toutes ses investigations autour des signes peints, tracés, gravés dans les cavernes ou de sa constante approche des écritures naissantes et de leurs résonances dans rock-art2noise, mais ce serait abuser du hors temps. Revenons donc à la toile de notre plasticienne détournée en instrument émetteur de notre dispositif: le support rocheux.

Dispositif instrumentale acoustique

Nous utilisons comme support rocheux un métamorphisme synthétique des plus communs, le verre, dans son application industrielle dédiée à l’automobile, le pare-brise. Posé à l’horizontal, le verre couche les « traces » visuelles et transmet à Pure Data via un double micro piezzo de contrebasse leurs phénomènes sonores (taches), voués à toutes les déclinaisons possibles du traitement du signal audio numérique.

La structure du verre détermine une surface particulièrement sensible à la moindre excitation. De forte densité (2,5) pour une célérité de 5300 en m.s-1, notre lutherie s’arme d’une corde pourvue d’une sensibilité dynamique peu conventionnelle. Prenez un pinceau, faites le glisser sur notre corde, vous n’entendrez rien alors que le piezzo restituera un beau signal modulé à -70 dB (à peine audible), frappez d’un coup sec mais léger avec la pointe solide opposée du pinceau, vous approcherez le pic de niveau voire la crête si l’impact est plus appuyé. Combinez ces deux gestes de façon aléatoire et asynchrone en modulant sans retenue les dynamiques, les positions d’impact, la vélocité, votre système de diffusion passera incessamment de l’inaudible à la crête. A tout ce fracas, si vous poussez l’amplitude, à hauteur de -3db, le pare-brise devenu micro va réinjecter une part non négligeable du son diffusé dans le système, passant ainsi du solo pictural au duo peintre-instrumentiste pare-brise-contrechant. Comme nous venons de l’illustrer succinctement, le pare-brise porte les caractéristiques d’une corde particulièrement dynamique, vite saturée, très timbrée et d’un filtre résonateur d’incidence proportionnelle au volume sonore restitué dans l’espace. A vide, notre corde actuelle offre un beau 117,2..Hz.

Il est à noter que loin de se contenter d’user de son pinceau, notre peintre sonore possède une panoplie d’objets modulants non négligeable faits d’acier, de peau, de corne, de bois, de différents types de brosses, de tampons (éponge), sans omettre l’aspect liquide, la peinture vitrail.

Le geste spontané

Notre dispositif instrumental recèle d’une palette d’objets sonores particulièrement étendue. Or, tenter d’identifier une typologie conséquente et cohérente des objets sonores à disposition nous sembla très vite une perte de temps fastidieuse et illusoire. En outre, dans notre processus, toute articulation sonore doit être prise comme une entité musicale à part entière. Entraver le geste du peintre pour des raisons musicales demeure exclu. Quant à la morphologie, nous sommes confrontés à des « sons évoluant » clairement dépeints par Pierre Schaeffer (Traité des Objets Musicaux, 402) en ces mots: « Elucider la morphologie de tels sons, reconnaissons-le vite, serait parvenir à une science totale des objets sonores. Un son évoluant peut en effet être des plus complexes, présenter dans sa contexture un raccourci d’articulations et d’appuis variant aussi bien en matière qu’en forme. » Avec ses mots, Pierre Schaeffer exprime précisément les articulations de notre peintre et ses conséquences sonores, le geste spontané.

Considérons la narration de ce geste spontané, de ses mouvements, de ses structures inhérentes. L’acte peint devenu signal sonore se traduit par une seule norme: le chaos génésique. Un conglomérat de bruits premiers, désordonnés, émis dans l’ignorance assumée du moindre plaisir musical. Le temps de notre peintre, ses structures, postule pour toute cohérence la non linéarité. L’absence aussi, notre instrumentiste opère aisément des mutismes de plusieurs minutes entre deux mouvements picturaux. Nous observons les mêmes fluctuations de densité sonores, d’intensité, en terme de dynamique (d’énergie), d’impulsion, de continuité et d’entretien. A l’aune de ce constat, la gageure suivante consistait à franchir le seuil du sonore au musical. Deux anciens outils égarés furent salutaire à notre démarche: la patience et une paire d’oreille. L’écoute sensible du geste instrumental nous permit de qualifier les directions de l’acte en terme symbolique (toucher, effleurer, caresser, couvrir, écrire, étaler, enduire, voiler, apposer, essuyer, colorer, parsemer, etc.) avec toutes les nuances induites de pressions tactiles, des différents outils impactant et des textures perceptibles conséquentes! Aussi, mon intention première fut d’orienter l’espace musical vers un jeu de superpositions contrastées de masses sonores évoluantes, de générer un continuum musical multiple en
contrepoint du mouvement pictural. De façon évolutive, l’outil numérique s’organise autour d’une sorte de typologie critique du geste plastique. De ma perception sensible à sa traduction symbolique, l’indéterminisme musical signe mes choix face au surdéterminisme de l’artiste peintre en acte. J’appréhende le terme indéterminisme dans son acception musicale Japonaise, à savoir, se fier plus à ses sens qu’à son intelligence analytique dans le cadre d’une perception globale de l’opus proposé et surtout pas un recours au hasard.

Technologie / Un fait DSP-musical

Dispositif instrumentale numérique

L’outil numérique développé à partir du logiciel Pure data intègre actuellement ces différents filtres et effets: un équaliseur 3 voies / 4 délais variables / 4 modulations en anneau + divers filtres / +Bubbler (délai granulaire) / 1 fréquence shifting /  +pitchdélai / 2 réverbérations / 2 distorsions / 1 équaliseur paramétrique 13 voies / Ainsi que divers types de filtres passe haut, passe bas et passe bande. Ce système mis en œuvre ne possède aucune synthèse, ni échantillonnage, juste le traitement audio appliqué aux propositions sonores du duo peintre pare-brise.

Orientations de la lutherie numérique

Ma première nécessité, d’une nature profondément suggestive et rétrograde, je l’affirme, fut de « flatter » mon oreille. Le timbre de la vitre particulièrement riche en partiels et son pitch à vide grave me facilitèrent la tache. Filtrer le signal d’un équaliseur trois voies agrémenté d’une réverbération (fft) et de quelques filtres furent « satisfaisant » à mon oreille. Exit l’humour, ce signal à vide ample, velouté, grave du pare-brise possède la fonction de référent. Au début de chaque session, lorsque notre peintre engage son ouvrage, je laisse ce référent agir sur l’auditoire, un peu comme un thème mélodique, afin que le public s’en imprègne. Ce référent me permet plus tard, dans les développements de le déformer, d’articuler des contrastes, de l’oublier, d’y revenir…Ce référent possède aussi la vertu d’obtenir l’agrément du public. Ce détail a son importance, il n’est pas commun de vivre le concert d’un pare-brise articulé par des pinceaux « parlants » avec une artiste peintre comme soliste. Avant d’oser le contrepoint, le diapason audio+visuel se doit d’affirmer notre espace psycho acoustique. Le temps musical du peintre sonore.

La seconde nécessité fut de m’offrir la possibilité de jouer en canon. Générer une réponse sonore plus traditionnelle dans sa forme à des gestes picturaux jamais renouvelés en terme visuel, définitifs. Quatre délais variables répondent avec souplesse à ce besoin. Ces délais me permettent toutes formes de rappels, de la simple répétition en canon à des nappes cumulatives de différentes durées sur des espaces variables explorant les effets d’estompe, de retrait, de dispersion, de dilution ou a contrario imposer des cadences soutenues ou des polyrythmies heurtées.

La troisième nécessité était d’élargir l’ambitus particulièrement serré de la vitre. La modulation en anneau, traitement que j’affectionne particulièrement, honore cette fonction. La modulation en anneau possède la vertu de complexifier le timbre, d’élargir l’ambitus au-delà de l’audible pour l’oreille humaine et de disposer d’un flux sonore proche des univers instables microtonaux. Pour ajouter en densité, je base tous les rapports harmoniques sur le Hadju, un ancien mode Perse non octaviant de 17 tons. Hormis pour les larges intervalles, j’assume pleinement les rapports de timbre, de texture qu’induit la modulation en anneau telle que je la pratique. Deux modulations en anneau sont implémentées en suivant ce schéma, deux autres modulations en anneau diversement altérées se confrontent au signal source. En sorties, toutes les modulations en anneau sont régulées ou colorées via des filtres passe-haut, passe-bas simples ou résonnants à pente raide. Couplé aux délais, ce dispositif me permet de densifier les masses sonores, les articuler en fonction des propositions du soliste et des continuums en mouvement.

Hormis le +Pitchdélai et +Bubbler de Tom Erbe et William brendt que j’ai adapté à mon usage (exit les samples), ainsi que la distorsion digitale paramétrique (8 bandes), tous les autres traitements relèvent du commun. Sans routage, mais garnis de presets, ces effets sont implémentés de façon modulaire afin de les rendre interopérable sans aucune limitation hiérarchique. Cette structuration ouverte  concilie souplesse et adaptabilité, optimisant mes capacités de réponse aux propositions du soliste.

Les différentes réverbérations répondent à une volonté de spatialisation des textures par effet de contraste des différents continuums et de leur densité. La spatialisation est opérée en relation à l’architecture de l’espace de présentation, du système de diffusion et de la réponse du pare-brise.   

 

Composition / Un cycle réversible en chantier

L’oral / un temps composé

Rock-Art2noise se structure en deux temps, le temps du Rock-Art, le temps musical de l’artiste peintre et l’atemporalité de la noise, le temps de la rémanence.

Dans le premier temps, nous nous soumettons aux contraintes que nous impose la vitre. Equipé des capteurs, le pare-brise agit comme un microphone de presque deux mètres carrés. Conjugué à sa célérité, ce phénomène nous oblige à ne jamais dépasser les – 10 dB à  – 6 dB suivant l’espace de travail, sous peine de capturer l’ensemble du volume sonore diffusé par les hauts parleurs.

Le second temps, « Le temps du reflet ». Ce temps ne postule pas une synthèse de ce qui a précédé, mais une sorte de rémanence. Dans mon système de traitement numérique, j’ai inséré la possibilité de réaliser une boucle cumulative de 20 secondes depuis le début du concert. Lorsque Sitan n’agit plus, j’augmente l’amplitude du système de diffusion  et j’utilise cette « mémoire » sonore du temps du peintre projetée dans l’espace. La vitre capture ce « continuum » que j’altère et articule avec mes différents traitements numériques en temps réel. Le public partage à cet instant le silence d’une « toile » peinte et se retrouve immergé dans la persistance sonore du geste pictural dont il fut témoin. A cet endroit du concert, j’ai tendance à étirer les mouvements, à conforter une dynamique temporelle tendue, répétitive dans ses détails dans un flux sonore dense et intense en énergie. Une sorte de monolithe…

A suivre…en chantier

タド

 

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